Chroniques

Idéalisme et réalisme

Par Denis Gauthier et Pierre Brulé

Chroniques

30 août 2023

Détail de la fresque L’École d’Athènes (1509–1511), mesurant 550 x 770 cm,

faite par Raphael,dans le Palais Apostolique du Vatican.

Platon et Aristote (au centre de l’image) sont deux philosophes grecs de l’Antiquité perçus comme étant les plus «modernes», puisque leurs propos ont établi les fondations de la pensée occidentale. On les présente respectivement comme les représentants de l’idéalisme et du réalisme. Dans ce texte, on exposera les principales caractéristiques de leurs modes de pensée.

 

Le monde selon Platon

 

Platon est un rationaliste, c’est-à-dire que, pour lui, la raison est le fondement véritable de la connaissance. Il est également considéré comme le père de l’idéalisme, car il prône que, derrière le monde des sens, il existe le «monde des idées», le Vrai monde, accessible par l’intermédiaire de la raison.

La philosophie de Platon se résume bien grâce au mythe de la caverne, lequel illustre d’ailleurs qu’il ne faut pas se fier aux sens qui ne perçoivent que l’ombre du réel. Dans ce mythe, on présente «d’étranges prisonniers» représentatifs du style de vie terrestre. Depuis leur enfance, ils sont enchaînés dans une caverne obscure, regardant droit devant eux, sans pouvoir tourner la tête. Ce qu’ils perçoivent sur la paroi de la caverne qui leur fait face, c’est l’ombre du vrai et du beau, du monde qui les précède.

Analogiquement à une projection cinématographique, les prisonniers sont les spectateurs d’un film qu’ils prennent pour la réalité. Ils vivent dans un monde de reflets et d’ombres dont ils ne soupçonnent pas l’origine. Ils ignorent l’existence de la cabine de projection, de la sortie de la salle et surtout du monde extérieur. Ils ignorent la véritable beauté. Mais, un prisonnier se libère de ses chaînes et sort à l’extérieur de la caverne. Ses yeux sont éblouis par la lumière. Quand ils s’habituent à la clarté, il est alors capable de contempler la réalité dont il ne connaissait que l’ombre. Il réalise que c’est le soleil qui rend les choses visibles dans toute leur splendeur.

Platon parle des «formes-modèles» qui, éclairées par le soleil du Bien, existent par elles-mêmes. Elles sont éternelles et immuables. La mission de l’être humain est d’apprendre à se détacher de son monde d’illusions pour accéder à cet autre univers. Les perceptions sensibles ne font que maintenir l’être humain du côté de l’ombre. Elles ne lui permettent que d’avoir de vagues impressions de la réalité. Le monde sensible n’est alors qu’une copie très imparfaite de l’au-delà ou du monde idéal. Pour Platon, l’être humain peut avoir accès à l’immuable ou à ce qu’il appelle «les idées parfaites» par ce véhicule mystérieux qu’est l’âme.

L’âme a déjà vécu dans l’au-delà et connait d’emblée le monde des «formes-modèles». Elle se réincarne par le véhicule de la raison et l’utilise pour se manifester. La pensée est un savoir sûr reliant l’être humain à son âme, alors que ses sens et ses perceptions le trompent constamment.

 

Le monde selon Aristote

 

Aristote est l’élève de Platon. Toutefois, contrairement à son maître, il priorise le monde des sens pour obtenir des informations sur l’univers qui l’entoure. La beauté se déroule sous les yeux de celui qui sait regarder ; elle n’est pas véhiculée par la raison. La contemplation se fait par la voie des sens qu’Aristote ne conçoit pas comme des servitudes, mais plutôt comme des dons naturels permettant de mieux connaitre le monde, cet univers dans lequel on évolue.

Aristote est plus réaliste qu’utopiste. Il observe la nature et reste fidèle à ce «bas monde» en faisant un inventaire méthodique de ce que l’être humain a sous la main, sous les yeux. Il use de sa raison non pas pour trouver un monde métaphysique, mais pour tenter de trouver de l’ordre dans ce monde qui l’entoure. Il compare les avantages et les inconvénients de ce qu’il observe dans toute leur simplicité.

Aristote attribue au monde des sens sa juste valeur. Il se met à quatre pattes pour étudier les poissons, les grenouilles, les violettes… Ce philosophe des faits veut comprendre comment ceux-ci s’agencent, s’engendrent, s’enchaînent, se structurent, s’organisent. Il veut comprendre comment ils évoluent et disparaissent. Il est émerveillé par la diversité du monde, par sa richesse sensible et imprévisible, par ses formes innombrables. Il est émerveillé par l’ensemble de faits organisés, par une telle constellation de faits cohérents, interdépendants, qui se complètent et qui s’équilibrent. Il est porté vers les vertus de la nature et il décrit l’être humain comme un «animal parlant».

Essentiellement, Aristote s’oppose à la conception même de la vérité. Platon, homme des idées, veut parvenir à contempler les modèles parfaits, éternels et immuables dans le ciel où on n’accède que par les yeux de l’âme. Pour sa part, Aristote, homme des faits, veut comprendre la dimension universelle représentant le mieux la réalité telle quelle avec les lois naturelles de l’ordre des choses, les lois du monde et de l’univers, sans la faire dériver au nom d’un principe extérieur ou supérieur. Somme toute, alors que son maître recherche une vérité préexistante, Aristote s’efforce de démontrer celle dans laquelle il vit. Ce sont ses sens qui lui permettent de l’appréhender directement, purement, et non sa raison.

Platon était socialement et politiquement utopiste, voire extrémiste, près de vouloir voir la société se transformer en un système totalitaire, alors qu’Aristote était davantage réaliste et à tendances modérées ; réformateur, mais aussi soucieux de ne pas bouleverser radicalement l’ordre social. Les deux philosophes illustrent bien le rapport entre ces deux mondes : celui de la raison et celui des sens.

 

À PROPOS DE DENIS GAUTHIER ET PIERRE BRULÉ

Denis est philosophe et Pierre, psychologue. Tous les deux sont détenteurs d’un MBA des universités québécoises. Ils se sont connus durant un cours en philosophie à l’Université du Québec à Trois-Rivières et ils ont co-écrit le livre Se voir autrement. La conscience et son pouvoir. Aimant la nature, l’humain et les défis, ils se lancent dans l’aventure d’écrire ensemble cette chronique spirituelle.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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